Le billet de Romain Fiat : retour sur son mémoire de Master 2

14/01/2021

A la suite de premières expériences professionnelles dans la qualité du secteur industriel aéronautique, mon évolution professionnelle m’a mené au Master 2 – Ecologie Industrielle et Territoriale et à rejoindre le Cabinet de Saint Front en tant que Consultant RSE.

Après mes premiers audits de Déclaration de Performance Extra-Financière, j’ai voulu questionner comment une évolution réglementaire portant sur la rédaction et la publication d’informations RSE pourrait transformer en profondeur une entreprise et sa stratégie générale vers des notions de responsabilité sociétale.

Mon mémoire de fin d’étude s’est construit dans le but de répondre au questionnement suivant « Quel est l’impact de la DPEF sur la prise en compte des enjeux RSE dans la stratégie des Coopératives Agricoles ? ». Il est proposé dans cet article la présentation de mes études ainsi que les éléments de réponses à la problématique principale.

Définition du cadre de l’étude

Tout d’abord, la Déclaration de Performance Extra-Financière est l’adaptation française de la directive européenne 2014/95UE qui rend obligatoire autour de 6 000 entreprises européennes de publier des informations relatives à leurs impacts environnementaux, sociaux et sociétaux. Les entreprises françaises qui rédigent la DPEF doivent y présenter le modèle d’affaires, les principaux risques, les politiques, des diligences ainsi que des résultats et indicateurs clés de performance (nous avons rédigé un article en novembre 2020 pour répondre à la question « Comment construire votre DPEF »). On constate donc qu’une certaine structuration de la RSE est induite par la construction même de la DPEF.

De même que se sont structurés la RSE et son reporting de manière globale au travers des années, ils ont évolué de la même manière dans l’agro-alimentaire. L’exemple le plus récent est la première déclinaison sectorielle de l’ISO 26000 vers une norme volontaire internationale l’ISO 26030 « Responsabilité sociétale et développement durable — Lignes directrices pour l’utilisation de l’ISO 26000 : 2010 dans la chaîne alimentaire ». Dans sa présentation l’AFNOR associe au secteur Agro-Alimentaire 8 des 17 Objectifs du Développement Durable établies, on peut ainsi dire que ce secteur est particulièrement au cœur des enjeux RSE.

Présentation des trois approches de l’étude

Pour répondre à ma problématique j’ai construit trois approches complémentaires, qui ont été les fils rouges de mon alternance au Cabinet de Saint Front puisque j’ai voulu croiser la vision des référent.e.s RSE des structures par un questionnaire, l’aspect technique de la revue textuelle de plusieurs rapports RSE / DPEF et enfin une prise de recule avec un entretien d’une auditrice RSE.

La première approche est un questionnaire qui a été adressé aux référent.e.s RSE de sept Coopératives Agricoles. Par un travail de notation d’avancement d’enjeux ou en croisant les réponses de certaines questions, cette approche a permis de déterminer que :

  • Entre 2016 et 2020, les Coopératives Agricoles ont homogénéisées leur avancement sur les trente enjeux RSE qui avaient été ciblés. C’est-à-dire que des enjeux jugés « peu » ou « pas du tout » avancés en 2016 ont, en 2020, été considérés « en cours » ou « avancés ». Et à contrario, les enjeux qui étaient « « en cours » ou « avancés » en 2016 ont finalement peu évolués à en croire les référent.e.s RSE.
  • Les répondant.e.s considèrent globalement que la DPEF est un bon outil de structuration de l’existant en matière de RSE.
  • De plus, il semble que la DPEF ait permis aux directions de s’emparer de la RSE puisqu’à l’unanimité, les référent.e.s RSE ont constaté une meilleure implication de leur direction sur ces sujets. Implication qu’on pourrait lier à l’appropriation des enjeux RSE qu’induit la construction d’une analyse des risques.
  • La notion de pilotage de la RSE reste quant à elle reste encore à définir puisque si des Indicateurs Clés de Performance ont été définis, les répondan.t.e.s ne sont que peu à considérer la DPEF comme un outil de pilotage de la RSE.
  • Enfin, la DPEF semble bien être ciblée comme un outil de communication, seulement son utilisation en tant que tel ne semble pas clairement définie ou tout du moins optimisée.

Je me suis appuyé sur la documentation établie par trois de ces mêmes Coopératives Agricoles pour réaliser une analyse de l’évolution textuelle opérée entre les rapports RSE de 2016 et les DPEF’s de 2019. La forte évolution en contenu est à souligner puisqu’elle est passée de 27 232 mots à 72 573 mots soit équivalent à plus de 62%. Une telle évolution a permis un enrichissement lexical global des enjeux ciblés et des notions les accompagnants qui se sont affinées. Il reste toutefois difficile de tirer des généralités sur les enjeux puisque chacun est soumis à des intérêts internes et externes différents, les moyens de communication sont donc adaptés en fonction de l’importance donnée à ces derniers. 

L’entretien d’une auditrice RSE expérimenté a lui fait ressortir plusieurs notions importantes :

  • Elle confirme que l’évolution la plus notable entre le format du rapport RSE et celui de la DPEF est la structuration de la RSE.
  • Selon elle, il est à ce jour trop tôt pour parler de maitrise des risques et qu’il faut à ce titre attendre encore quelques exercices pour voir l’évolution des Indicateurs Clés de Performance comme outil de pilotage des risques.
  • La grande force de la DPEF est l’analyse de risque qui permet alors une bonne appropriation de la RSE par les structures.
  • Les limites se trouvent sur le manque de sanction pour les entreprises ne jouant pas le jeu, ainsi que la trop faible présence du rapport de l’auditeur dans la DPEF ce qui ne permet pas au lecteur d’avoir un avis critique sur le rapport.
  • Elle déclare enfin que si la stratégie RSE est sincère alors la DPEF peut devenir un véritable outil de pilotage.

Conclusion

En croisant les éléments clés de ces trois approches, il est alors possible de dire que la DPEF a bien eu un impact sur la stratégie RSE des Coopératives Agricoles de mon étude. Les impacts notables sont la structuration et l’appropriation de la démarche RSE, un avancement global des enjeux RSE et une implication grandissante des directions aux démarches RSE de leurs structures. La notion de pilotage de la RSE par la DPEF ne semble pour le moment pas encore suffisamment mature par les structures. Enfin, si la DPEF apparait clairement comme un outil de communication, son utilisation en tant que tel ne semble pas encore optimal.

Si la DPEF semble avoir eu un impact sur la stratégie RSE de ces Coopératives Agricoles, il semblerait intéressant de déterminer quel est l’impact de la pression des parties prenantes sur cette même stratégie.

 

Rédigé par Romain Fiat

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