Société à Mission : une idée qui séduit par-delà les frontières

5/05/2020

Après vous avoir présenté le principe de la Société à mission et détaillé les liens qu’elle entretien avec la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF), nous enquêtons aujourd’hui sur l’existence de modèles similaires au-delà des frontières françaises.

Face à l’intérêt sociétal croissant autour des enjeux sociaux et environnementaux, les entreprises s’adaptent et recherchent des réponses adaptées. Si la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE) permet d’appréhender la gestion des risques de façon transversale, certaines sociétés souhaitent aller plus loin dans leur engagement. Afin de ne pas se définir par la seule rentabilité économique, elles redéfinissent leur raison d’être autour des thématiques sociales et environnementales : elles ont pour mission de résoudre un problème sociétal identifié.

En France, la loi PACTE votée en Mai 2019 donne à ces entreprises le moyen de leurs ambitions. Comment cette nouvelle dynamique est-elle prise en compte ailleurs dans le monde ?

Le label B Corp, fer de lance des Sociétés à mission

La première initiative de formalisation de la Société à mission n’est pas à l’origine de la juridiction d’un Etat. C’est en 2006 que la certification B Corp portée par l’ONG B Lab voit le jour aux Etats-Unis. La communauté a pour but de « réunir dans le monde les entreprises qui souhaitent (ré)affirmer leur Mission Sociétale au cœur de leur raison d’être ».

L’obtention de la certification, réputée exigeante, s’effectue en répondant à un questionnaire en ligne auquel il faut obtenir une note supérieure à 80/200, suivi d’un audit de vérification. Une participation financière calculée en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise est également nécessaire.

En l’absence de référentiel juridique concernant les sociétés à mission, des entreprises emblématiques se sont engagées dans cette certification : Patagonia, Kickstarter, Fairphone, … Ce sont aujourd’hui 3 285 sociétés réparties dans 71 pays différents qui sont désormais certifiées B Corp.

Les Etats-Unis, pionniers dans la création de la Société à mission

Pour trouver une première incursion du concept de Société à mission dans la sphère juridique d’un pays, il faut se rendre de l’autre côté de l’Atlantique. Aux Etats-Unis, le statut de Benefit Corporation a été créé en 2010 afin de protéger les dirigeants d’entreprise de poursuites de la part des actionnaires.  En effet, ceux-ci pouvaient leur reprocher la mise en place d’une démarche responsable pouvant nuire à leur devoir de rentabilité financière.

Une trentaine d’états du pays ont adopté le statut. Il existe néanmoins des variantes dans certains états afin d’adapter le texte à la typologie d’entreprise ou à leur vision, ce qui explique l’existence des statuts de Social Purpose Company et de Public Benefit Corporation. Ces trois statuts conservent un lien étroit du fait qu’ils ont pour but de créer un intérêt public général. Les actionnaires ne jugent plus la simple performance financière de l’entreprise mais la performance de celle-ci confère à ses objectifs financiers et extra-financiers.

C’est tout naturellement que des entreprises évoquées précédemment telles que Patagonia ou Kick Starter sont devenues des Benefit Corporations. D’autres grands noms se sont engagés dans cette voie, notamment Danone Waves, la filiale américaine de Danone.

Et chez nos voisins européens ?

En Europe, c’est l’Italie qui est le précurseur de cette nouvelle forme juridique avec les Società Benefit. Le projet est lancé en 2006, puis repris en 2014 : le fait de n’avoir que la seule distribution de dividendes vis-à-vis des actionnaires pour objectif complexifiait les démarches d’innovations sociétalement utiles et positives du management. Depuis le 1er janvier 2016, on distingue donc trois types de structures, les sociétés à profit, les sociétés à but non lucratif et les Sociétà Benefit, modèle hybride où cohabitent et s’entremêlent profit et objectif social.

La Società Benefit ne peut pas avoir recours ni à des récoltes de fonds, ni à des dons car la réalisation de ses objectifs doit être financée par la société. Le rapport annuel de l’entreprise présente d’ailleurs l’évolution de ces objectifs. Pour vous illustrer tout cela, vous pouvez lire cet article étonnant sur la Società Benefit italienne D-Orbit à la conquête de l’espace.

Continuons dans le champ lexical spatial en vous présentant un OVNI, la Community Interest Company (CIC), une forme très spécifique qui existe depuis 2005 au Royaume-Uni. L’objectif consiste en la création d’une forme d’entreprise sociale qui doit servir sa communauté sans pour autant utiliser le système de charité ou être une entreprise à intérêt public. Pour vous donner une représentation plus ou moins fiable de ce qu’est une CIC, on pourrait la comparer aux petites structures de l’ESS en France. Néanmoins ce statut avant-gardiste est en perte de vitesse et ne semble pas répondre aux besoins de certaines entreprises engagées d’un pays en réflexion sur le sujet des Sociétés à mission.

Persuadés que nos voisins d’Europe du Nord avaient vingt ans d’avance sur nous, nos recherches initiales se sont concentrées sur leurs cas. Et pourtant, nous avons fait chou blanc. En Allemagne ou aux Pays-Bas, il n’y a pas de Sociétés à mission, et même très peu d’entreprises certifiées B-corp. On y trouve cependant des sociétés iconiques certifiées telles que le moteur de recherche Ecosia GmbH ou encore la société Fairphone. L’insertion de mission dans les statuts relève plus des activités associatives que du monde de l’entreprise qui traite des sujets sociétaux via l’approche plus conservatrice de la RSE.

Manque de maturité sur le sujet ? Culture du business différente ? Sensibilité environnementale innée ? Il existe plusieurs pistes de réflexion pour expliquer l’absence de statut de Société à mission dans ces pays qui mériteraient une étude approfondie.

Société à mission ou labellisation B-Corp : le cas des entreprises multinationales

Pour une entreprise multinationale souhaitant s’engager avec des objectifs sociétaux, la question se pose de savoir s’il est préférable de s’engager dans une labélisation B-Corp ou de devenir une Société à mission ?

Nous avons donné certains éléments de réponse lors de notre Webinar sur les sociétés à mission. Pour nous, l’inscription dans les statuts révèle un engagement juridique et profond qui servira de véritable levier de transformation de l’entreprise. Nous pensons également que la société à mission offre plus de flexibilité que le label dans la mise en place d’un engagement sociétal et qu’elle s’adapte plus à nos cultures d’entreprise là où B-Corp reste imprégné d’une identité anglo-saxonne forte.

 

Après ce tour d’horizon des sociétés à missions, nous avons vu que des modalités différentes émergent en fonction des juridictions. Récemment, la Chine a également pris le sujet à bras-le-corps en consolidant des critères de contrôle sociaux et environnementaux pour les entreprises qui opèrent sur son territoire. Si cette nouvelle démarche démontre que les grands pôles économiques se dotent de référentiels extra-financiers, le fil conducteur de ces évolutions reste l’engagement sociétal croissant des entreprises par-delà les frontières qui cherchent à affirmer leur identité et la sincérité de leur démarche en redéfinissant leur raison d’être.

Rédigé par Ann-Yaël Huppenbauer & Luca Marée

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